Chapitres 1-4

– 2 Le Thé de Jawaad

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            La Callianis filait comme le vent.

            Damas avait tenu la barre de nombre de navires jusqu’ici, avant et après être devenu ami et employé de Jawaad. En matière de marine, il était ardu de trouver quelqu’un qui s’y connaisse mieux que lui. Il avait été à la tête de l’équipage de plusieurs galions, de quelques goélettes et baggalas, et il avait même servi sur un béhémoth Apostat ; même si pour ce dernier cas, il n’en faisait pas étalage : personne ne l’aurait jamais cru, et si quelqu’un avait par hasard prêté foi à ses propos, il se serait attiré des ennuis particulièrement épicés.

            Mais dans toute sa longue carrière, il n’avait encore jamais vu manœuvrer un navire de ce genre : après tout, c’était techniquement le premier clipper à venir voguer sur les flots des Mers de la Séparation. Et il avait beau ne pas être croyant pour un quadran, il se serait presque surpris à remercier les dieux d’avoir permis aux hommes d’inventer pareille merveille.

            Le navire filait plein vent, et après trois vérifications, tant il était surpris par les chiffres que lui donnait l’anémomètre et le loch qu’il avait fait tirer à l’eau, il fut bien contraint de certifier que la Callianis fendait les vagues à presque dix-huit nœuds. C’était bien plus que les plus rapides navires qu’il avait jamais connu.

            Rapidement, il donna cependant l’ordre d’amener les focs et la misaine, pour soulager la structure du navire de l’effort que lui imposait le vent. Il préférait jouer la prudence, et la Callianis n’avait pas besoin de tenter de battre un record de vitesse pour sa première traversée entre Armanth et Mélisaren. Sa précaution arracha un sourire à Jawaad, qui, sur le pont arrière, observait la manœuvre.

            « — Elle le battra. »

            Damas qui rejoignait son ami, torse nu comme lui, malgré la fine pluie mêlée aux embruns qui les fouettait depuis le petit matin, fut surpris de la remarque :

            « — Quoi?… »

            « — Le record de traversée entre Armanth et Mélisaren… »

            « — Ne me dit pas que c’est un truc qui t’attire, de battre des records, Jawaad ? »

            « — Pourquoi pas ? Cela ne fera que gonfler un peu plus l’orgueil de Theobos. »

            Damas éclata de rire, et Jawaad tira un sourire en réponse, son regard noir s’illuminant même de ce qui semblait, fait rare, une véritable joie.

            Damas répliqua :

            « — S’il gonfle encore, il va éclater ! Je pense qu’il aurait donné cher pour être de la première traversée. »

            « — Sans doutes. Mais il a un autre chantier qui l’attend. Dans un an, la Callianis aura deux sœurs… »

            Damas s’appuya contre la rambarde, regardant l’équipage ramener les voiles. Rapidement, le voilier perdit de la vitesse, bien qu’à vue de nez, il devait encore dépasser les 13 nœuds. Mais le soulagement se lisait sur le visage des hommes ; avec moins de vitesse, il y avait moins de tensions, et d’efforts à fournir, alors que depuis l’aube, ils bataillaient tous pour gérer le navire dans sa course téméraire. Et Damas se doutait que pour beaucoup de ces marins, même tous compagnons fidèles et de longue date de Jawaad, la performance du vaisseau avait quelque chose de fantastique, donc d’un peu inquiétant.

            Il se tourna à nouveau sur son patron:

            « — Tu lance une flotte entière ? »

            Jawaad acquiesça, appuyé contre la barre. Le navigateur, à deux pas, était installé paresseusement au dessus des marches du point arrière. Avec un tel temps, la vitesse réduite et le cap donné, il n’avait plus vraiment à se préoccuper de rester vigilant à son poste et écoutait donc la discussion de son patron, avec Damas.

            « — Ces bateaux sont l’avenir », reprit le maitre-marchand. « Même petits et peu armés, ils sont si rapides que les plus redoutables galions ne les rattrapent pas. Mais il fallait commencer par le premier… »

            « — Je vois… pour tester ses qualités et faiblesses, et ainsi améliorer les suivants. »

            Jawaad tira un sourire, reculant de son appui, pour tendre le bras, et saisir la barre. Ses doigts couraient sur le bois, comme une caresse, alors qu’il fixait l’horizon proche, bouché par des gros volutes de nuages bleu-gris. Damas avait toujours été vif et intelligent. Et surtout, c’était un homme très cultivé, largement au delà de la moyenne armanthienne. Bien que de manière fort pragmatique, ne se concentrant que sur les sujets qui lui paraissaient utiles et d’intérêt, le jemmaï aux talents aussi bien de sicaire, que de maitre d’équipage faisait montre d’un intellect riche et curieux.

            Damas vit le sourire, et le compris de suite:

            « — Et tu compte sur moi pour découvrir ces qualités et faiblesses, hein ? »

            Jawaad ne répondit pas… il se contenta encore de lâcher un autre de ses brefs sourires, sous son regard illisible. Mais, bien entendu, le jemmaï ne se trompait pas.

***

            La cabine de Jawaad, située sous le pont arrière était spacieuse et lumineuse. Comparé à ses spartiates appartements dans son domaine de l’Alba Rupes, elle était même luxueusement aménagée. Une sensation accentuée par la quantité et la variété d’affaires qui s’y trouvaient entreposées, et dont la présence ou l’utilité à bord d’un voilier aurait rendu certains capitaines forts perplexe.

            Lisa y avait pourtant reconnu avec surprise des choses familières : un gramophone doté de pièces et d’ornementations dont elle ne saisissait pas la raison d’être, un globe terrestre, ou ici, lossyan, plus exactement, tracé de latitudes et longitudes, mais dont la majeure partie n’était qu’esquissé et qui portait ici et là la mention « terres inconnues ». Elle avait aussi reconnu un petit poêle à charbon, surprenant d’une ingéniosité qui lui paraissait bien moderne pour cette civilisation à ses yeux arriérée et barbare, et d’autres instruments, plus discrets, posés sur le bureau : des compas, une loupe, une règle à calcul, un porte-mine -et ce qui ressemblait à du vrai papier presque blanc – ou encore un astrolabe. Et bien sûr, il y avait une lampe de chevet à ampoule à filament et dynamo de loss. Dans la plupart des cas, elle aurait été incapable de savoir se servir de tout cela. Il avait même été nécessaire qu’Azur lui montre comment allumer, et éteindre, les lanternes à alcool qui éclairaient la cabine la nuit venue.

            La préférée de Jawaad se montrait d’une patience infinie avec la jeune barbare. Elle s’était occupée de sa main, et en avait encore changé le pansement et le bandage au matin même, désinfectant la plaie profonde de sa paume. Lisa n’avait rien dit, mais ses tressaillements et grimaces de douleur parlaient pour elle. De son avis et ses faibles connaissances médicales, il aurait fallu des points de suture, mais ça ne semblait pas inquiéter Azur outre mesure.

            Les deux esclaves – les seules du navire – revenaient de la cuisine, où la psyké avait préparé le repas de son maitre, aidée de sa consœur. La tambouille pour les marins était l’affaire du coq, à bord. Et Damas avait beau rang de maitre d’équipage, il mangeait aves ses hommes, dans la journée. La traversée du pont, une chose si naturelle pour Azur, avait été une épreuve pour Lisa, aller, et retour. Elle avait une peur qui frisait la panique au coté des marins et leur expression de concupiscence évidente ; et elle constatait bien malgré elle qu’elle avait hérité de ces trois mois de maltraitance, puis de dressage dans les cages de Batsu puis les jardins de Prithan, de ce qui s’apparentait clairement à une peur viscérale des hommes, autant qu’à une évidence agoraphobie. La psyké ne s’en inquiétait pas. Celle-ci, en dix ans qu’elle était esclave de Jawaad n’avait que deux fois été offerte à la luxure de quelques membres d’équipage, des punitions dont elle avait cependant longtemps gardé la marque douloureuse aussi bien à l’esprit qu’au corps. Mais hormis ces deux événements qu’elle préférait garder enfouis, elle se savait en sécurité : aucun homme du bord n’aurait osé un geste trop déplacé envers elle, au risque d’attirer la colère de Jawaad. Au pire, certains passaient la main à son épaule ou sous ses reins, et sa seule réponse était un sourire en retour, sans s’attarder. Mais pour ceux qui eurent le même geste pour Lisa, ils déclenchèrent des réactions de panique ; la jeune barbare n’osait rien pour empêcher les hommes de la tripoter, mais cela la figeait de peur. Azur se contenta, toujours souriante et confiante, de tirer un peu plus sa consœur à sa suite, avec quelques mots polis pour les marins, histoire de leur faire comprendre avec gentillesse que la nouvelle esclave de Jawaad n’était pas encore accoutumée à ce genre d’attentions.

            Quand les deux jeunes femmes rejoignirent la cabine, Lisa haletait de panique et avait les yeux noyés de larmes. Envahie par des sentiments mêlés d’horreur et d’angoisse profonde, elle mit un long moment à se calmer, réfugiée dans un coin de la cabine, sur les nattes épaisses et confortables où Azur et elles dormaient, tandis qu’Azur préparait la table du repas qu’elle garda au chaud sous une cloche de terre cuite.

            En quelques coups d’œil sur sa consœur, Azur savait ce que Lisa vivait et le fil apeuré et chaotique de ses pensées. Mais elle dut refaire encore l’étrange constat, qu’elle avait remarqué depuis la veille, qu’elle avait du mal à lire en profondeur dans la psyché de la barbare. Un peu comme si l’immense fossé culturel qui les séparait lui rendait le détail de ses pensées hermétique. Là où elle pouvait d’un regard et avec une aisance effrayante pour qui se retrouvait mis à nu par la psyké, tout comprendre des gens qu’elle côtoyait, et même de son maître, pourtant si insondable d’apparence, elle devait faire un effort particulier et prolongé pour lire en profondeur la jeune barbare. Sans, à sa grande surprise, être jamais totalement sûr de sa lecture, comme si elle avait du lire un livre écrit dans une variante archaïque et désuète de sa propre langue. Ou trop moderne, puisque, si Azur ne connaissait rien de la Terre, on murmurait parfois à ce sujet que c’était un monde qui avait des ères d’avance et de savoir sur celui de Loss. Bien qu’elle n’y crut guère.

            Azur soupira. Il n’était pas aisé pour elle de s’occuper de la fille si traumatisée, si prompte à la panique, sans, en plus, pouvoir vraiment se servir de ses talents de psyké pour devancer ses émois. Et puis, elle ne comprenait pas forcément très bien les raisons fondamentales d’un tel abattement. Là encore, elle savait être handicapée par tout un fossé culturel qu’elle n’avait aucunes chances d’imaginer.

            Elle tenta de la distraire :

            « — Tu as déjà vu une boite à musique ? » Elle simplifiait ses mots, pour que Lisa, dont elle savait l’athémaïs limité, puisse comprendre.

            Joignant le geste à la parole, Azur posait le diamant du pavillon sur le cylindre de lecture, et fit tourner une petite manivelle, avant de lancer le mécanisme. La musique s’éleva en grésillant un peu.

            Lisa fit une tête surprise. Et immédiatement fascinée, les yeux grands ouverts, encore larmoyants. Elle acquiesça : bien sûr qu’elle avait déjà vu cela, c’était un tourne-disque primitif, elle qui venait d’un monde où on pouvait écouter des heures de chansons sur un appareil tenant au creux de la main. Mais la mélodie ; violons, piano, rythmiques, et quelque chose qui lui faisait penser à une harpe, ressemblait à de la musique de chambre aux accents arabisants. Elle en éprouva une puissante bouffée de nostalgie, et murmura, émue :

            « — Cela existe chez moi…. c’est… c’est beau. »

            Et elle se mit à fredonner en suivant la mélodie, comme si elle avait été hypnotisée par les notes un peu éraillés et assourdies qu’égrenait le gramophone.

            Ce fut au tour d’Azur d’être surprise, et d’en sourire. Lisa avait une voix magnifique, cristalline, et même en fredonnant maladroitement sur cet air qui lui était inconnu, sa voix pure la touchait directement à l’âme, un plaisir, que la psyké assimila de suite à une brève délivrance qui avait le salutaire avantage de libérer un peu la jeune barbare de sa terreur et de sa prostration. Azur en oublia son environnement, pour se laisser emporter par la musique, et la voix de Lisa.

            Aucunes des deux ne vit donc arriver Jawaad.

            Les cylindres de ce type de gramophone ne permettaient pas de jouer plus de trois à quatre minutes de musique. C’était déjà un luxe que de pouvoir en enregistrer ainsi, et de s’offrir ce genre d’appareil rare et couteux. Le moment d’abandon ne dura guère, mais assez pour qu’Azur regarde Lisa chanter, émue, et soulagée d’avoir trouvé quelque chose qui pouvait distraire la petite terrienne, en oubliant elle-même un peu la vigilance dont elle aurait fait preuve autrement. Ce qui avait suffit pour que Jawaad s’installe dos aux boiseries de l’entrée de sa cabine, et écoute, aussi silencieux qu’un fauve, bras croisés, la musique accompagnée du fredonnement envoutant de son esclave. Il en avait fermé les yeux lui-même, et appréciait l’improvisation, malgré son coté maladroit.

            Joueur, il ne brisa pas le silence quand la musique cessa, rouvrant les yeux pour observer les deux femmes.

            « — Tu chante très bien, » reprit Azur à la fin du morceau. « Tu devrais chanter pour notre maitre, je suis sûr que cela lui plairait. »

            Dans le même temps, elle eu le réflexe de regarder vers la porte et tomba nez à nez avec Jawaad. Elle se figea, pour le coup, avant de laisser éclater un rire joyeux :

            « — Mon Maitre ! Vous avez entendu, alors ? »

            Jawaad répondit un vague hochement de tête en fixant Lisa, qui hoqueta de peur, et baissa le regard immédiatement, tremblant presque. Il se redressa et, en passant, ébouriffa affectueusement la tignasse de la jeune barbare :

            « — J’ai faim. »

            Azur eu un sourire, et fila vers le bureau, pour soulever la cloche qui cachait le repas de son maitre, tirant la chaise pour qu’il s’installe, restant juste à coté. Elle allait faire un signe pour faire venir sa consœur, qui était toujours plantée craintivement près du gramophone, mais se retint, et regarda Jawaad qui s’installait devant son assiette. Il aboya brièvement vers Lisa :

            « — Approche ! »

            Encouragée par le sourire accueillant et rassurant d’Azur, la jeune rousse s’arrêta craintivement, debout près de la chaise de son maitre. Que devait-elle faire ? La psyké de l’autre coté, qui savait, elle, attendait. Un regard clair, et confiant tenta de rassurer Lisa. Azur aurait été la première à dire qu’il fallait apprivoiser un peu le maitre-marchand pour ne plus le craindre et être perturbé par son ton froid et ses manières rudes et sèches. Et qu’il était nécessaire de se focaliser sur le sens de ses gestes et de ses attentions, plus que sur son attitude, pour comprendre l’homme, et réaliser qu’il était en fin de compte très agréable de l’aimer et lui appartenir. Mais si elle avait bien l’intention de montrer tout cela à Lisa, elle considérait que le plus efficace resterait que la jeune femme le comprenne par elle-même.

            Jawaad claqua des doigts, et montra le sol du regard. Lisa, qui tremblait toujours comme une feuille, obéit d’instinct : rien de surprenant après les semaines de conditionnement à ces ordres chez Priscius. Elle tomba à genoux sur le tapis, tête basse. Cambrée, mains croisés dans son dos, là encore, elle n’avait pas besoin de réfléchir à la posture qu’elle tenait : le dressage avait imprimé ses réflexes jusqu’à ses moindres muscles.

            Pour Azur, ce moment était tout aussi naturel, mais totalement dénué des angoisses de sa consœur, et elle s’installa elle aussi à genoux, mais plus nonchalante, plus langoureuse aussi. Elle savait que Jawaad partageait son repas avec ses esclaves, et quand il était là, elle mangeait forcément ce qui étai servi au maitre-marchand, directement à sa main. C’était devenu pour elle un moment intime et agréable, qu’elle chérissait.

            Jawaad n’avait pas besoin de s’intéresser à Azur pour savoir ce que pensait son esclave : il la connaissait par cœur. C’est donc sa nouvelle acquisition qu’il observait, toujours aussi impénétrablement. Et il commença son repas, selon un rituel bien établi. Il se servait avec les doigts, mordant dans les tranches de pain, ou les légumes en allumettes, et la viande émincée. Il laissait à chaque fois un bout de la nourriture dans laquelle il avait mordu. La première part fut pour Azur, qui vint saisir le morceau offert par le maitre-marchand, des lèvres. C’était le rituel ; l’assiette était fort copieuse, et suffirait à nourrir trois personnes ; autant que possible, Jawaad alimentait toujours ses esclaves de sa main. Ce n’était d’ailleurs pas un simple caprice. De cette manière, il les imprégnait du lien qui les attachait à lui, d’une manière intimiste et répétée, rappelant ainsi sans efforts qu’il était la main nourricière, celle qui avait part sur elles : pouvoir et autorité.

            La seconde portion fut donc pour Lisa, qui hésita brièvement. Et se retrouva avec un bout de viande à demi-croqué sous le nez, que Jawaad secouait en insistant. Etre nourrie ainsi ne l’enthousiasmait guère. Elle songea brièvement que ce n’était pas très hygiénique, mais surtout que cela ressemblait franchement à la manière dégradante dont on aurait donné à manger à un chien domestique. Mais elle avait trop peur pour contrarier le maitre-marchand en refusant. Et il fallait bien qu’elle mange. Elle se décida et vint attraper le morceau de viande du bout des lèvres, même si elle n’avait aucun appétit. Jawaad l’observait toujours, et répéta le rituel. Il gardait le silence, tendant part après part à chacune de ses deux esclaves, l’assiette se vidant peu à peu.

            Il finit par parler, à la fin de son repas :

            « — Elle a posé des questions, Azur ? »

            La psyké releva la tête pour fixer franchement, souriante et dévouée son maitre :

            « — Un peu, au domaine, mais pas depuis que nous sommes sur le bateau, mon maitre. Elle ne parle pas beaucoup. »

            Jawaad acquiesça pensivement, toujours aussi impassible. Il se tourna vers Lisa et attrapa son menton, pour la forcer à le fixer. Il observa son regard fuyant un moment, avant de gronder brièvement :

            « — Regarde-moi ! »

            Selyenda leva immédiatement les yeux. Ses pupilles immenses, au vert de jade si profond palpitaient toujours de peur. Le maitre-marchand n’en sembla nullement ému, posant sur elle son regard noir et insondable :

            « — Parle. »

            Azur ne disait rien, étudiant la terrienne. Elle était curieuse d’entendre quels seraient les premiers mots qu’oserait la jeune femme toujours terrifié. Lisa bafouilla, maladroitement, encore plus intimidée par le regard noir qui pesait lourdement sur elle :

            « — Je… je n’ose pas, m… mon maitre. L’éducatrice… nous interdisait de…. de parler sans qu’on nous demande. »

            « — Là, je te demande de parler. »

            « — De… de quoi, mon maitre ? »

            Jawaad avança sa tête vers la jeune femme apeurée, son regard pesant un peu plus :

            « — Pose tes questions ! »

            Azur se dressa un peu, pour attirer un bref instant le regard de sa consœur effrayée et la rassurer, d’un signe de tête avec encore une fois un sourire confiant. Il n’y avait aucunes raisons d’avoir peur et elle le savait. Mais elle comprenait aisément que dans l’immédiat, la jeune terrienne ne pouvait en prendre conscience. Il fallait juste l’encourager.

            Jawaad qui gardait le regard rivé à la mine effrayée de Lisa, n’était pas dupe que sa préférée devait dans son dos faire quelque mimique pour encourager et rassurer sa nouvelle esclave. Il aurait été déçu du contraire. Celle-ci bafouilla enfin :

            « — Co… comment le… le bateau a flotté dans les airs, mon maitre ? »

            C’était la première question qui venait en tête à Lisa, mais aussi la moins compromettante ; elle n’osait demander quel serait son sort, ni ce qu’elle était sensée savoir de son nouveau propriétaire. Et depuis le départ, la veille, elle avait tenté de comprendre, en vain, par quel miracle ce bateau avait pu léviter, et quelle en état la cause, et l’utilité. Jawaad plissa les yeux, et eu un sourire à peine visible, qui échappa d’ailleurs à la terrienne qui ne fixait que ce regard effrayant. Il appréciait la question, bien qu’il ait sans mal deviné qu’elle était aussi une esquive.

            « — Je vais te montrer comment. Débarrassez la table ! »

            Un instant plus tard, Jawaad conduisait ses deux esclaves au pont des machines. Azur connaissait le chemin et suivait, souriante. Le maitre-marchand avait attrapé le poignet de Lisa, et la guidait en la tirant sans véritablement d’égards. Situées sous le pont inférieur qui servait de logements aux hommes du bord, au niveau des cales, il y avait deux salles des machines sur la Callianis, abritant les quatre moteurs à répulsion. Jawaad descendit vers dans la salle avant, pour s’arrêter face aux deux énormes mécanismes qui contrôlait les pôles de loss, et leur direction. Les machines occupaient pratiquement tout l’espace, ne laissant que des accès exigus, et Lisa et Azur devaient se serrer un peu contre Jawaad, qui s’avança entre les deux énormes appareillages, lâchant le poignet de la jeune terrienne. Il posa un regard où on aurait pu deviner de la fierté sur les deux structures imposantes et complexes, faites de cuivre, de bois et de ciment de résine ; puis il détailla la jeune terrienne qui les voyait pour la première fois, avant d’héler sa préférée :

            — « Azur. »

            La psyké comprit de suite, en souriant, et montra à Lisa le mécanisme qui se trouvait au sommet et à la base de chaque appareil. Celle-ci reconnut, bien que sans assurance, des sortes de moteur électromécaniques, où dominaient des pièces mobiles de cuivre, et des câbles isolés de treillis de tissus épais.

            — « Ca, ce sont des dynamos à loss. Pour que le bateau lévite, il faut rapprocher les pôles opposés de loss, qui veulent naturellement se repousser. Les dynamos servent à ça. Plus les pôles sont rapprochés de force, plus leur répulsion devient forte ; et à un moment, ils finissent par se mettre à flotter. Mais comme les moteurs sont arrimés au bateau, ils le soulèvent avec lui, pour le faire léviter. Comme s’il ne pesait rien ! »

            Jawaad hocha brièvement la tête et poursuivit lui-même, devant la tête fascinée et un peu perdu de Lisa, qui mettait en jeu toutes ses connaissances de physique pour expliquer le phénomène, et n’y trouvait aucun aide :

            « — Le navire n’est pas sans poids. L’effet de force de répulsion s’applique dans une direction, et peut donc être utilisé pour pousser la Callianis, et la faire léviter au dessus du sol. Tous les engrenages du mécanisme de la structure permettent de diriger cette répulsion, et de la canaliser. »

            Lisa bredouilla :

            « — Mais…. ce… c’est quoi le loss, mon maitre ? »

            « — Un métal qui n’existe pas chez toi, mais ici, qui nous sert à produire de l’énergie, et à faire flotter nos vaisseaux. »

            Jawaad regarda Azur et hocha la tête pour la laisser continuer l’explication.

            « — Tu vois, les dynamos fonctionnent aussi avec du loss. Cela produit de l’électricité. Pour faire tourner les machines, et forcer les pôles des moteurs à se rapprocher. Mais les dynamos brûlent leur carburant ainsi, il faut alors en changer, et les réserves s’épuisent. Comme le loss est rare, on ne peut pas forcément faire voler un navire longtemps, ou cela couterait assez cher, tu comprends ? »

            Lisa comprenait très bien. Elle réalisait même, avec effarement, qu’ils étaient en train de lui expliquer, rien moins, que sur ce monde qu’elle traitait volontiers de barbare, cruel et arriéré, les hommes avaient vraisemblablement inventés des moteurs anti-gravité. Bien qu’elle ne saisisse pas du tout comment cela pouvait fonctionner car il était évident que ça ne semblait pas pouvoir être expliqué par ses maigres connaissances de physique terrienne, ni ce qu’ils étaient capables de faire avec, elle réalisait, après l’aiguillon électrique, la lampe de chevet et le gramophone, l’étendue de leur savoir technique et scientifique, qu’elle n’aurait pu soupçonner. Elle en resta bouche bée. Et fut encore plus ébahie par la réflexion de Jawaad à cet instant :

            « — Dans ton monde, des engins volent et peuvent franchir des milliers de lieux à des centaines de mètres de hauteur. Nous n’avons pas cela. Mais nous avons d’autres sciences, que tu apprendra à connaitre. »

            La jeune femme fixa les machines silencieuses, comme au repos, l’air toujours fascinée en fait, réalisant que Jawaad en savait lui aussi plus sur la Terre qu’elle ne pouvait bien évidemment le deviner. Elle se demanda bien comment. Face à elle, les machines semblaient tenir plus de mécanismes de bois et de ferronneries sortis d’un atelier d’ingénieur de la Renaissance, que d’appareillage industriels modernes. Elles semblaient aussi fragiles qu’elles étaient massives.

            Le ton sec de Jawaad la ramena immédiatement à sa réalité craintive :

            « — Maintenant, quand tu ne sais pas, tu demande ! Compris ? »

            Lisa hocha la tête, intimidée. Elle se prit une autre claque sans brutalité derrière la tête :

             » — Compris ? »

            Elle balbutia de suite :

            « — Ou…oui, mon maitre. »

            Juste derrière la jeune terrienne, Azur souriait paisiblement. Tout irait bien, elle le savait, et lentement, sa nouvelle consœur s’habituerait au maitre-marchand, et prendrait confiance.

***

            « — Je vais t’apprendre à faire le thé ! »

            La voix était joyeuse, et enthousiaste. Azur fixait d’un air mutin, tendre et joueur, sa consœur perdue dans les cuisines du bord. Mais le thé était une affaire très sérieuse. Une esclave de Jawaad avait meilleur temps de savoir préparer sa boisson préférée à la perfection, avant même de savoir cuisiner ou servir. Du reste, Azur elle-même était bien forcé d’admettre qu’en dix ans, elle n’avait jamais satisfait parfaitement aux exigences de son maitre dans ce domaine ; Jawaad préparait souvent son thé lui-même.

            Lisa regardait donc faire Azur, s’affairant devant elle. Elle demeurait toujours nerveuse et tendue, appréhendant chaque haussement de voix et cri sur le navire qui filait toujours bon train. Sur un tel vaisseau, on ne pouvait jamais être seul, et il y avait toujours des clameurs, des appels, ou des chants, les marins allant et venant sans cesse. Ce qui replongeait Lisa dans ses angoisses, qu’elle n’arrivait pas à contrôler. Azur fit une pause dans ses préparatifs, et claqua des doigts sous le nez de la jeune rousse, pour attirer son attention :

            « — Ca passera. Mains maintenant, observe bien, car chaque étape est importante. »

            La jeune femme tressaillit un peu, et dans un soupire nerveux et étranglé se concentra pour fixer la cuisinière. La préférée de Jawaad avait sorti une théière de céramique, et une grande tasse, et mit sur le feu un petit chaudron rempli d’une eau déjà fort chaude. La cuisinière disposait d’un gros ballon isotherme : une chaudière de briques réfractaires qui chauffait l’eau et en préservait la température. Sans que Lisa ai vraiment idée de la conception détaillée de l’appareil, elle avait été étonnée de ce confort technique. Les Lossyans semblaient souvent avoir innovés bien plus qu’elle n’aurait su l’imaginer ces dernières semaines. Même les foyers de la cuisinière de fonte étaient notoirement complexes et d’une technologie ingénieuse, leur isolation et leurs ventilations conçus pour assurer un maximum de chaleur sur la durée en employant un minimum de charbon, en toute sécurité, qui plus est. Une prudence qui se justifiait sur une structure quasi entièrement fait de bois.

            Azur se servit de l’eau bouillante pour y tremper la théière, et la tasse. Elle posa les deux ustensiles encore fumants sur un linge propre, et glissa dans la théière vide et brûlante un petit sac de tulle contenant la dose de thé qu’elle avait soigneusement prélevé d’une boite ouvragée. Reversant l’eau bouillante dans la réserve -sur un navire, tout ce qui peut être recyclé l’est autant que possible- elle remit de l’eau à chauffer, à peu près l’équivalent du contenant de la théière elle-même.

            « — A Armanth, il y a trois ou quatre façons de préparer et servir le thé. Dans certaines maisons, c’est un art. » commenta-t-elle. « C’est le cas avec notre maitre. Il peut payer une fortune pour les meilleurs thés, mais lui en aime la préparation la plus pure. Tu as bien regardé ce que je faisais ? »

            Lisa hocha la tête, toujours nerveuse, mais elle n’avait pas perdu une miette des moindres gestes de sa consœur. La psyké n’avait pas encore réalisé que la jeune terrienne avait une mémoire prodigieusement acérée.

            Azur lâcha un rire joyeux :

            « — Tu sais, dire « oui » va pas te mordre ! Bien, alors tu respecte les étapes que je viens de faire. Pour le dosage, c’est toujours environ cinq pincées, pour une théière. Il faut ébouillanter le service, avant de s’en servir. Et tu laisse reposer le thé dans la théière, ainsi, dans la chaleur, il commence à s’ouvrir, et laisser naître son parfum. »

            Lisa répondit un « oui » faible, avant de regarder l’eau qui chauffait, puis sa consœur, approchant encore un peu :

            « — Tu… tu va faire encore bouillir l’eau ? »

            « — Ho non, surtout pas ! Il faut que l’eau soit à une température idéale, elle doit seulement frémir. Tiens, regarde. Tu vois, au fond, on va voir apparaitre des petites bulles toutes rondes, comme autant de petits yeux. C’est là que l’eau sera parfaitement chaude. Ni avant, ni après…. voilà… exactement maintenant ! »

            Azur attrapa la casserole, pour en verser le contenu dans la théière, avec attention.

            « — Et tu ne verse pas l’eau sur le thé. Ca le brûlerait, et son goût en serait gâché. Il ne faut pas remuer non plus, alors tu verse lentement, et tu laisse infuser. »

            « — Et tu… tu laisse infuser combien de temps ? »

            La psyké eut un grand sourire à la question de la jeune femme. Qu’elle prenne cette timide initiative de demander et en savoir plus était un petit pas dans la bonne direction, et Azur l’encourageait de ses regards chaleureux et confiants :

            « — Cela dépend du thé, chaque type demande une infusion différente. Si tu hésite, tu peux aller prendre le sablier qui est posé sur le bureau de notre maitre. Il décompte trois minutes, et il est gradué. Moi, j’ai pris l’habitude de compter de tête, en fait, je me sers de chansons, dont je connais la durée. Il existe nombre de variété de thés, et il faudra que tu les reconnaisses. Celui-ci est un thé vert mélangé, il contient environ une moitié de feuilles de thé noir, et de thé jaune. Comme il est un peu fort, on doit le laisser infuser seulement un peu plus de quatre minutes. Mais cela change pou chaque thé. »

            Azur prit le temps d’expliquer tous les autres thés, et l’art de les préparer. Et il y en avait beaucoup. Des thés jaunes, blancs, et noirs, des thés fumés, des thés aux feuilles broyées et brisées, des récoltes d’automne et de printemps qu’on ne faisait pas infuser de la même manière, des thés aromatisés qui demandaient encore eux-mêmes un traitement spécifique. Elle était, après dix ans au service de son maitre, une véritable encyclopédie de cet art, manie et pêché mignon de Jawaad. Elle expliquait d’ailleurs ce flot d’informations complexes avec une passion évidente, fruit de sa dévotion pour le taciturne maitre-marchand, qu’elle aimait de toute son âme. Bien sûr, elle ne s’attendait pas vraiment à ce que Lisa puisse tout retenir du premier coup.

            Le thé avait largement eu le temps d’infuser, qu’elle n’avait toujours pas fini son explication, mais elle retira précautionneusement le sac de tulle de la théière, pour remplir la tasse destinée à Jawaad, tout en poursuivant son discours joyeux et passionné :

            « — Notre maitre aime boire son thé préparé tasse par tasse. Mais si lui sait le faire, je n’y arrive pas, je ne le réussis jamais ainsi. Alors je préfère me servir de la théière. » Azur fixa sa consœur, et reprit : « Tu as appris à servir ? » La psyké ne se servait pas du nom qu’on avait donné à la jeune rousse. Même si en urgence, elle n’aurait pas hésité, mais Jawaad le lui avait retiré, et n’en avait pas encore choisi d’autre. Azur respectait craintivement ce genre de règles de la part du maitre-marchand.

            « — Heu… je… » Lisa hésita, et réalisa qu’elle n’était même pas sûre de ce dont parlait son ainée. « Non… je crois que…. je ne sais pas… »

            La psyké n’en fut pas très surprise, elle avait eu le temps de comprendre que Jawaad avait obtenu la jeune terrienne bien avant que son éducation ne soit achevée ; elle n’avait sans doutes que les bases, ou pas grand chose de plus. Elle n’avait pas encore deviné que Lisa était une Languiren, et elle aurait admis elle-même qu’il lui aurait été difficile de le comprendre. Elle n’en avait jamais rencontré d’assez près, et assez longtemps, pour savoir les reconnaitre, malgré sa capacité surnaturelle à déchiffrer ses interlocuteurs et lire sur leur visage.

            « — Ne t’en fais pas, c’est simple, et tu as appris ce qu’il faut. Quand tu sers un maitre, si tu le peux, tu t’agenouille, et tu lui tends le plat, ou la tasse, avec respect, en baissant le regard, ou la tête. Tu lui dis quelque chose, comme par exemple: « Votre plat, maitre, s’il vous plait. » Avec notre maitre, c’est presque pareil. Mais si tu veux lui plaire, ne baisse pas la tête, juste les yeux, juste le temps de servir. Il aime que ses esclaves n’aient pas peur de le regarder. Et quand tu lui sers à boire, surtout le thé, tu ne lui tends pas la tasse, mais tu la loge contre tes seins. Et tu attends qu’il vienne la prendre. D’accord ? »

            Lisa retint une grimace craintive, presque amère ; mais elle acquiesça, silencieuse, en déglutissant. Azur traduisit immédiatement ce que la jeune femme cachait à cet instant. La peur, mais aussi la honte et l’humiliation à l’explication de sa consœur, même si cette dernière savait qu’elle avait compris et s’exécuterait parfaitement. Azur posa la tasse chaude, et vint attraper la jeune femme dans ses bras pour la serrer doucement, après un signe de tête respectueux vers un des hommes du bord qui venait de traverser la cuisine, jetant un regard distrait sur les deux esclaves. Lisa frémit instinctivement, docile et tendre, ce que la psyké nota de suite, la voyant soudain se calmer :

            « — Je sais ce que tu ressens, car je suis passé par là. Ce que je ne peux savoir, c’est ce que tu vois, quand tu observe notre monde, ses codes, ses manières et ses injustices. Je sais que pour toi, il est étrange. Il doit te paraitre barbare et cruel ; et il l’a été avec toi. Il le sera encore sûrement, et te paraitra longtemps injuste. Mais tu es en sécurité, désormais. Tu dois juste accepter ton sort, et apprendre à servir, et surtout servir notre maitre. En échange, tu seras choyée, protégée et même appréciée, voir aimée. Oui, il y a des choses que tu devras faire qui te feront honte, et te feront mal, au début. Oui, si tu fais une erreur, il pourra te punir et tu le vivras mal. Mais notre maitre ne frappe jamais ses esclaves, et il est rare qu’il use de châtiments corporels. Mais tu lui appartiens, et il a tout pouvoir sur nous. Je sais que l’on t’a enseigné tout cela de force. C’est ainsi que pratiquement toutes les esclaves sont éduqués. Mais tu sais, si les dressages sont si dures et impitoyables dans les Jardins des Esclaves, c’est pour qu’une fois vendue à un maitre, une fille n’ai qu’une envie : tout faire pour plaire à son propriétaire, et réaliser qu’elle peut avoir une vie douce. Ce n’est pas toujours le cas, tu sais ? Mais avec notre maitre, si. Tu sais déjà intimement qu’il te possède, cela se voit et je le vois mieux que personne. Alors accepte ton sort, maintenant. Quand tu l’aura fait, tu sera heureuse. »

            Il se passa un long et doux moment. Azur songea brièvement que le thé refroidirait un peu, et que Jawaad n’hésiterait pas à le faire remarquer. Heureusement, Lisa du y penser aussi, et se décida à répondre, la voix nouée, blottie dans les bras protecteur de la psyké :

            « — Je… j’ai vécu tant de honte…. tant d’humiliations ; de douleurs que… que je ne sais même pas comment on pourrait encore me faire encore pire. Il… il me fait peur, tu sais ? Tous les hommes me font peur, maintenant. Mais… je… je te promets d’essayer… je te le promets. »

            « — Alors, fait-moi un sourire, d’accord ? Pour une fois que tu parles un peu et que tu ne pleures pas… »

            La jeune femme hocha la tête et la releva. L’effort fut difficile, et incertain. Mais elle y parvint, et offrit à Azur le premier sourire sincère qu’elle put dessiner sur ses lèvres, le tout premier de cette nouvelle vie qu’elle n’avait pas d’autres choix que d’accepter.

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3 réflexions sur “– 2 Le Thé de Jawaad

  • editionsstellamaris

    Une grande page intimiste, où Lisa commence petit à petit à se laisser apprivoiser… Je me régale toujours autant, Axelle ! Bises !

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    • Merci ! Et je n’ai pas oublié ton conseil pour le chapitre précédent ! Je me demandais oû l’insérer.

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